Voyage au Vietnam 1999
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21 Fevrier 2000
Chers amis ,
Cela nous est arrivé un jour sur la route Lai-Chau - Sapa , dans le Nord-Ouest près de la frontière avec la Chine . Depuis toujours Jocelyne a une boule dans sa tête : il faut qu' elle voie les minorités vivant dans les montagnes du Nord , en chair et en os avec leurs costumes brodés multicolores lors du marché du samedi matin à Sapa (le marché des fiancés) , elle ne se contente pas de superbes cartes postales qu' on trouve partout,
même en France ou ailleurs .
Il y a juste une centaine de km qui séparent ces 2 villes de hautes montagnes , en temps normal il faut quand même 10 heures de parcours . A la sortie de Lai-Chau , la route commence à zigzaguer dans de superbes paysages sauvages du grand Nord et le car du Sinh' s Café , un vieux Deawoo de 12 places , a vraiment du mal à monter la côte , il traîne son poids péniblement en toussant et en crachant sans arrêt comme un véritable bronchiteux chronique . Et puis , ce qu' on craignait depuis quelques jours arriva finalement : après un virage à 180° , son joint de culasse a cédé , la voiture ralentit puis s' arrêta un petit instant avant de ... reculer ! Notre chauffeur , sans doute ayant affronté cette situation déjà plusieurs fois , quitta rapidement le véhicule pour aller chercher un grand caillou au bord de la route : il faut vite caler les roues avant qu' il ne soit trop tard ! Il m' a expliqué par la suite que son frein à main ne fonctionne que lorsque le véhicule avance et pas l' inverse ...
Nous voilà de nouveau orphelins de moyen de transport dans notre long périple au V-N , exactement au km 22 de cette nationale perdue dans les montagnes . Un conseil d' ami : si jamais cela devait vous arriver , essayez de ne pas tomber en panne au milieu de la jungle comme nous en ce moment . On avait vraiment l' impression d' être débarqué sur une autre planète : du vert partout , l' air de la montagne , les cris des oiseaux et des singes , une route non bitumée en terre battue rouge qui se perd à une dizaine de mètres dans un virage pour réapparaître plus tard ... de l' autre côté de la montagne !
Il nous reste une seule solution : dormir sur place et rejoindre Sapa demain matin en espérant que le véhicule soit réparé . Pour ceux qui s' intéressent à la mécanique automobile voilà ce qu' a fait notre chauffeur : moteur ouvert par terre , il pose un grand papier (c' est la chemise qui contient ses papiers de route) sur la culasse pour prendre des empreintes , puis il le découpe avec des ciseaux en faisant très attention aux angles , c' est un vrai artiste ...
Les étrangers voyageant au V-N sont tous tenus à une règle infaillible : partout où ils vont de jour , ça va . Mais pour passer la nuit dans n' importe quel point du pays , même les plus reculés , il faut faire une déclaration à la Police locale . Ce qui n' est pas difficile dans les grandes villes , mais pour nous cela pose un petit problème : où est-elle notre chère Police locale ? Notre chauffeur ne sait pas et nous encore moins . Alors qu' il essayait de réparer le moteur en pleine nature , nous on cherchait à se renseigner où se trouve le Commissariat le plus proche . Peine presque perdue car il n' y a que très peu de trafic sur cette portion : quelques motocyclettes par heure . De temps en temps on croise des chasseurs appartenant à la minorité H' mong rentrer chez eux à pieds après une battue , et comme par hasard je ne connais pas leur patois ...
A la fin de l' après-midi , heureusement il y a quand même un type en motocyclette qui a accepté de nous prendre en stop jusqu' au poste de Police le plus proche en amont de cette vallée : imaginez que nous étions 3 sur cette moto , une petite Honda 50 cc de cylindrée , sur une route zig-zag en terre battue , qui monte ... Que son joint de culasse tienne le coup !
Le policier qui nous a reçu naturellement n' avait jamais été confronté à une telle situation auparavant , peut-être n' avait-il jamais vu non plus des extra-terrestres comme nous . Il a regardé le passeport de Jocelyne un bon quart d' heure , inclus sa photo inversée , tête en bas , puis page par page jusqu' à la dernière alors que celui-ci n' était rempli que sur 2 pages . Heureusement il sait lire , mais hélas pas le français d' où sa longue conversation téléphonique avec son chef (on a entendu "effe" pour f , "erre" pour r etc...) qui a téléphoné à son Ministère (de l' Intérieur) à Ha-Noi qui , à son tour , a réveillé son homologue extérieur . Ce dernier a dû consulter l' Ambassade Française en pleine nuit sur la conformité de nos papiers ...
Enfin , avec un grand sourire de fierté comme s' il venait d' avoir accompli un acte historique , notre héros est revenu nous annoncer que tout est OK , juste une déclaration à faire comme d' habitude avec nom , prénom , surnom , profession , adresses (du domicile , du travail , du parent à visiter au V-N et de l' hôtel à Ha-Noi : heureusement je m' en souviens !) , date de ceci , date de cela etc ... Mais il ne semblait pas du tout à mon goût lorsqu' il a lu ma déclaration avec comme motif de la visite dans sa circonscription : joint de culasse pété ! J' ai dû remettre quelque chose d' autre comme ceci : arrivé ici après Lai-Chau , la route touristique m' a beaucoup trop attiré et devant la beauté du paysage (ce qui n' est pas complètement faux) , je me permets de vous demander de m' accorder encore une nuit pour le contempler ! Bon , là ça passe . Hormis mon problème personnel : comment faire pour contempler ce paysage en pleine nuit ?
Bref , on avait d' autres problèmes à résoudre , si possible rapidement parce que , en quittant ce Commissariat , le noir était total : aucune lumière de nulle part ... Les bruits des animaux sauvages se faisaient sentir de plus en plus fort , il faisait très froid et on a regretté les pulls laissés dans le car . Et à cette heure tout le monde était plus ou moins dans leur foyer : je veux dire par là que la route était complètement déserte maintenant ...
(à suivre)
Th.
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