Lettre 8
Les Courriers




Voyage au Vietnam 1999







  07 Decembre , 1999

Chers amis ,

                    A  ce  8è  épisode  du  "Voyage  au  Viet-Nam", je  vous  avoue  qu' il  y  a  4  mois  je  n' aurais  jamais  pensé  en  arriver  là ! Vous  savez,  au  début  c' était  une  simple  lettre  à  un  copain , juste  pour  le  convaincre  de  franchir  le  pas , c'est-à-dire ,  retourner  voir  notre  pays , qui  heureusement  a  changé  depuis . Grâce  au  miracle  d' Internet  mon  "audience"  s' élargit  comme  une  chaîne  humaine , le  monde  est  devenu  encore  plus  petit  et  voilà !            La  plupart  de  vous  pense  que  je  vous  raconte  n' importe  quoi ( ba  xa.o ) : je  vous  pardonne ( même  si  c' est  vrai ) . Il  y  a  d' autres  qui  suspectent  que  je  fais  de  la  publicité  gratuite  pour  la  République  Socialiste  du  V-N  ou  alors  pour  le  Sinh' s  Café . Il  y  a  carrément  quelqu' un  qui  m' accuse  de ... manger  du  riz  de  la  C.I.A.  pour  avoir  ridiculisé  le  peuple  héroïque  avec  des  histoires  de  cannibalisme !  Il  y  a  aussi  beaucoup  d' encouragements  ( allez ! Juve ! par  exemple , Juve  est  un  club  de  foot ), comme  de  critiques  très  précises  qui  me  chatouillent  véritablement .            Mais  au  moins  un  point  commun : j'ai  été  aussi  enthousiasmé  d' écrire  que  vous  de  lire . J' ai  écrit  d' abord  parce  que  j' aime  voyager , j' aime  des  petites  histoires  sans  arrière-pensée  le  long  d' un  voyage , histoires  qui  sont  toujours  originales . J' aime  connaître  autre  chose  que  mon  quotidien , d' autres  gens  que  ceux  qui  m' entourent . Peu  importe  si  cela  se  situe  au  V-N  ou  ailleurs . Mais  pourquoi  dois-je  me  justifier  auprès  de  vous  de  ce  que  j' ai  écrit , où  est  ma  liberté  d' expression ? Si  cela  vous  pose  trop  de   problèmes : il  y  a  une  icône  "corbeille"  sur  votre  Win '98  ou  '95 , servez-vous-en  sans  façon !              Je  profite  ce  moment  de  pause  pour  répondre  à  quelques-uns  de  vos  courriers .                    



    - M. de Milan : pourquoi  c' est  toi  qui  paies  lorsqu'  éclatait  une  bagarre  entre  2  conducteurs  de  cyclo-pousse  à  Nha-Trang , comment  sont - ils  organisés  pour  te  racketter ?          C' était  un  beau  matin  dans  cette  Nha-Trang  romantique , on  quittait  l' hôtel  pour  rejoindre  la  plage  non  loin  de  là . Tout  se  passe  impeccablement  lorsqu' on  est  accosté  par  des  conducteurs  de  cyclo-pousse , qui  deviennent  rapidement  collants . On  a  beau  refusé  à  l' un d' eux , aussitôt  l' autre , juste  derrière , remplace  le  premier  pour  tenter  sa  chance  à  son  tour . Puis  un  3è , puis  un  4è , etc .... On  marche  sur  le  trottoir , eux  ils  roulent  au  ralenti  sur  la  chaussée  parallèlement  à  nous .              Ils  ont  le  temps  pour  nous  raconter  leur  histoire , type : cher  frère ( anh  hai  oi ) s' il  te  plaît , une  petite  course  , depuis  ce  matin  j' ai  rien  fait . J' ai  à  la  maison  7  bouches  à  nourrir : ma  mère , mes  2  beaux-parents , ma  femme , et  mes  3  enfants ... Ils  n' ont  rien  mangé  depuis  des  jours ( sic ) ... Un  autre : anh  hai , est-ce  que  tu  comprends  le  vietnamien ? ( Gare  à  moi  si  je  lui  réponds , que  ce  soit  oui  ou  non ) , si  tu  me  comprends , s' il  te  plaît , traduis  à  Madame  que  je  dois  à  mon  patron ( loueur  de  cyclo ) 21  jours  de  location ... Ma  vie  finira  tôt , tu  sais , si  tu  ne  me  prends  pas ... ( Classique : demandeur-accusateur ) etc  etc ...            On  finit  toujours  par  craquer , juste  pour  avoir  la  paix . Cette  fois  on  se  dit  OK , qu' il  fasse  un  petit  tour  au  centre  ville  car  la  plage  est  déjà  là  devant : c'est  inutile  d' aller  plus  loin , on  risque  de  tomber  à  l' eau .             A  l' arrivée  on  est  en  train  de  payer  lorsqu' il  y  a  un  autre  qui  surgit  de  nulle  part , coléreux  comme  c' est  pas  possible , qui  commence  à  agresser  le  nôtre  en  l' accusant  d' avoir  osé  mettre  les  pneus  dans  son  royaume , suivi  par  des  gestes  violents . L' atmosphère  monte  dangereusement  et  arrive  à  un  point  du  non-retour : l' agresseur  commence  à  enlever  l' assise  en  mousse  qui  couvre  le  siège  du  cyclo , c' est  un  geste  grave , sans  cela  on  ne  peut  pas  transporter  les  clients ! C' est  un  peu  comme  si  les  gendarmes  vous  retirent  le  permis !            



        Moi , je  me  suis  interposé  en  expliquant  qu' on  n' a  nullement  envie  de  violer  son  secteur , mais  parait-il  que  le  principe  même  du  cyclo-pousse  est  de  se  déplacer  d' un  point  A  à  un  point  B  ou  C  ou  D  etc , mais  que  ces  points  doivent  être  forcément   pas   le  A , sinon  à  quoi  ça  peut  servir , on  tourne  en  rond ... RIEN , il  ne  veut  rien  savoir .             Vu  la  gravité  de  la  situation  et  avant  que  la  Police  arrive , Jocelyne  a  sorti  un  autre  dollar ( c' est  le  prix  modique  de  la  course ) et  celui-ci  l' a  encaissé  aussitôt  en  bronchant  que , ce  n' est  pas  pour  un  petit  dollar  ridicule  qu' il  va  laisser  son  territoire  envahi  par  n' importe  qui ( quelle  dignité ! ). Mais  vu  que  Jocelyne  est  bà- dâ'm , madame ( circonstance  atténuante . Vous  voyez , les  vietnamiens  restent  galants , même  dans  les  situations  les  plus  désespérées ... ) , il  nous  laisse  partir  cette  fois !             Bon , jusqu' ici  c' est  une  histoire  courante  que  tout  le  monde  peut  rencontrer  un  jour  ou  l' autre , au  V-N  ou  ailleurs . A  Naples  les  clans  de  taxi  sont  institutionnels : ils  ont  carrément  leurs  impôts . A  Los  Angeles  ils  s' entre-tuent  même  pour  contrôler  la  ville . Au  Maroc  on  a  vu  bien  pire  que  ça . Donc  notre  petit  incident - qui  nous  a  coûté  le  tout  pour  tout  1  dollar  et  5  minutes - n' est  qu' un  tout  petit  incident  rikiki  à  oublier  rapidement - et  en  effet  on  s' est  baigné  qqs  minutes  après  comme  si  rien  n' est  arrivé .             Mais  c' est  la  suite  inattendue  de  cette  histoire  qui  est  plus  intéressante , écoutez  bien : vers  midi  sur  la  route  de  retour  à  l' hôtel  ( cette  fois  c' est  à  pied ) , on  a  revu  nos  deux  amis  en  train  de  trinquer  le  verre  dans  une  gargote  d' oeufs  couvés  ( Qua'n  Vi.t - Lô.n ) ! L' un  d' eux  nous  a  même  fait  un  large  sourire  jusqu' aux  oreilles  à  la  Jimmy  Carter !          ( En  réalité , pas  tout  à  fait , car  il  lui  manque  un  certain  nombre  de  dents : une  canine  supérieure  gauche , deux  incisives  inférieures  médianes , sans  compter  des  prémolaires  de  2  côtés ) ... Jugez  vous-même .            - H. de  Kentucky , qui  veut  avoir  l' e-mail  de  Regina  pour ..." l' envoyer  pleins  de  bisous , avec  beaucoup  de  tendresse ... virtuelle" . Mon  cher H. , calme-toi ! Moi  aussi  je  n' ai  pas  son  e-mail  ni  son  adresse  à  Stockholm  ni  son  phone  ni  quoi  que  ce  soit . Par  contre  ce  que  j' ai  raconté  de  sa  famille  est  tout  à  fait  exact , on  peut  remonter  la  recherche  si  tu  veux.         Mais  ce  genre  de  routards  originaux , tu  les  vois  partout  si  tu  restes  un  peu  attentif  et  surtout  ouvre  bien  tes  oreilles  à  l' occasion !         - Q.  de  Paris , merci  de  ton  courrier  qui  me  flatte . C' est  vrai  que  beaucoup  parmi  nous  ne  te  comprennent  pas ; mais  moi , je  te  comprends  au-delà  de  ce  qui  a  été  écrit . De  toutes  les  façons  tous  ceux  qui  me  connaissent  s' éclatent  de  rire  lorsque  tu  me  qualifies  de  philosophe , en  plus , profond ! A'  très  bientôt , cher  Q.              



      - T. de  Glasgow , au  sujet  de  Regina ( encore , c' est  pas  vrai !), veut  savoir  si  cette  fille  est ... fiancée . Figure-toi , mon  cher  T. , je  ne  sais  pas  moi  non  plus . Mais  qu' est-ce  que  tu  veux  lui  faire , si  elle  l' est  ( ou  ne  l' est  pas ). Ciao .                        



       - Denis  de  Bruxelles , je  vous  présente : c' est  le  belge  le  plus  sympathique  du  monde . Nos  chemins  se  sont  croisés  un  jour  pluvieux  à  Da-Lat  sur  les  Hauts  Plateaux  du  Centre . C' est  le  genre  de  routards   qui  préfère  la  compagnie  humaine  plutôt  de  suivre  les  circuits  touristiques  déjà  payés ! On  était  au  marché  Dong-Xuan  un  après-midi  à  parler  des  rêves  d' un  autre  monde  plus  simple , que  les  gens  se  rapprochent  davantage ...            Ce  garçon  de  28  ans  travaille  comme  barman  dans  un  bar  qui  ne  sert  que  des  boissons  non-alcoolisés . Il  habite  un  tout  petit  studio  à  Bruxelles  mais  réussit  à  trouver  un  terrain  vague , un  vrai  no-man's-land  au  bord  de  la  Senne , où  il  cultive  des  tomates , des  carottes , des  oignons , des  légumes  de  toutes  sortes ... pour  tout  le  monde ! C' est-à-dire  on  le  voit  travailler  le  sol , bêcher , semer , arroser  jour  après  jour , mais  ce  n' est  pas  lui  qui  récolte .  Peu  importe , il  continue  pour  amour  de  la  terre  tout  simplement . En  tous  les  cas , les  rares  légumes  qu' il  a  réussi  à  avoir , c' est  pour  les  voisins ...             Après  cette  rencontre , Denis  a  fait  l' année  suivante  le  Laos  et  le  Cambodge , toujours  en  routard  solitaire . Il  nous  a  écrit  ce  qu' il  a  vécu  au  Laos  sur  une  grande  carte  postale , remplie  de  mots , et  comme  cela  ne  suffit  même  pas , il  continue  sur  une   deuxième ! L' ennui  ( il  y  en  a  toujours ) est  que  la  deuxième  nous  est  parvenue  un  mois  avant  la  première ... Encore  une  histoire  belge !             Bonne  route  à  toi , mon  cher  Denis . Quand  tu  veux , passe  à  nous  voir  dans  cette  Paris  polluée , mais  qui  abrite  quand-même  quelques-uns  qui  gardent  d' excellents  souvenirs  de  toi ...  
Th.